Élections de Thaïlande : une brève candidature royale qui crée la polémique
En vue des élections législatives du 24 mars prochain en Thaïlande, un nouveau Premier Ministre sera nommé par le Parlement. La princesse Ubolratana Rajakanya a provoqué une forte polémique en se présentant comme candidate aux côtés du parti Thai Raksa Chart. Elle est la sœur aînée de l’actuel roi Vajiralongkorn.
Une réaction du pouvoir royal en Thaïlande vive et immédiate
La candidature de la princesse Ubolratana n’aura pas été de longue durée. Annoncée vendredi dernier, son intention de faire campagne pour le parti Thai Raksa Chart avait soulevé de vives réactions, à commencer par sa famille. Son frère cadet, l’actuel roi de Thaïlande Vajiralongkorn, s’est exprimé le jour-même de l’annonce à travers un communiqué : « La reine, l’héritier et les membres de la famille royale sont censés être au-dessus de la politique et ne peuvent pas occuper de fonction politique car ce serait en contradiction avec la Constitution »[1].
De plus, le parti Thai Raksa Chart choisi par la princesse Ubolratana pour se présenter comme cheffe du gouvernement à l’issue des élections législatives est lié au clan Shinawatra. Thaksin Shinawatra, puis sa sœur Yingluck Shinawatra ont successivement occupé la fonction de Premier Ministre. Ils ont respectivement dirigé le gouvernement de 2001 à 2006 et de 2011 à 2014. Ils ont tous deux été remplacés à la suite d’un coup d’État fomenté par l’armée, même si Yingluck avait en réalité déjà été destituée.
Une candidature aux élections opposée au statut de la monarchie en Thaïlande ?
La candidature de la princesse Ubolratana prend alors une vraie dimension provocatrice. Elle signifie qu’un membre de la famille royale s’investit dans un mouvement lié à un clan historiquement combattu par les royalistes et l’armée. Cela place la monarchie dans une situation délicate. Le roi Vajiralongkorn s’était pourtant démarqué en prenant ses distances avec la junte. Néanmoins, l’acte de sa sœur demeure inimaginable à adouber de par le rôle unificateur du pouvoir royal. La poursuite de cette campagne aurait mis en péril ce statut.
Suite au communiqué royal, le parti Thai Raksa Chart a annulé la candidature de la princesse Ubolratana. Lundi 11 février, la Commission électorale thaïlandaise a déclaré à son tour que « tous les membres de la famille royale se doivent d’être au-dessus de la politique ». Elle a également estimé que le fait de proposer la princesse comme candidate était un acte « hostile à la monarchie constitutionnelle »[2]. La Commission a ainsi demandé la dissolution du Parti devant la Cour constitutionnelle. Ce dernier avait demandé à pouvoir se défendre devant la Commission électorale[3]. Jeudi 14 février, la Cour constitutionnelle a pourtant accepté de traiter la demande de dissolution[4]. Thai Raksa Chart dispose de sept jours pour présenter sa ligne de défense. Passé ce délai, la Cour considérera que le parti ne conteste pas l’accusation.
La famille royale, un symbole unique
Cette polémique, courte mais vive, révèle le statut particulier de la monarchie en Thaïlande. La princesse Ubolratana avait renoncé à son titre royal afin de pouvoir épouser un ressortissant américain dans les années 70. Elle n’en reste pas moins considérée comme membre royal à part entière aux yeux du peuple. Cette représentation sociale de la monarchie présage également des relations délicates si l’actuel Premier Ministre Prayuth Pran-o-cha devait perdurer au pouvoir. Les liens historiquement proches entre armée et monarchie se sont fragilisés suite à la succession de Vajiralongkorn à son père, le roi Bhumibol Adulyadej décédé en 2016.
Sources
[1] Le Monde, « Thaïlande : la sœur du roi retire sa candidature au poste de Premier Ministre », 9 février 2019.
[2] AFP, « Élections en Thaïlande : premier pas vers la dissolution du parti lié à la sœur du roi », La Croix, 13 février 2019.
[3] SATTABURUTH Aekarach, « Thai Raksa Chart asks EC to be allowed to defend itself », The Bangkok Post, 13 février 2019.
[4] Reuters, « Thai court to consider fate of party that nominated princess», The Straits Times, 15 février 2019.